La tradition chinoise des pieds bandés.
La coutume des pieds bandés fut pratiquée en Chine, pendant plus de 1000 ans, du Xe au début du xxe siècle sur les filles et jeunes femmes issues des classes sociales favorisées dans un premier temps, avant de s’étendre à une part plus large de la société chinoise. Après plusieurs vaines interdictions, à la fin du xIxe siècle, la Société pour l’émancipation des pieds popularisa l’opposition à cette pratique. La pratique est interdite en 1912 après la proclamation de la première république, et réellement éliminée au début des années 1950 par les autorités communistes.
Histoire
Au XIe siècle, cette coutume barbare entre dans les mœurs et devient à la mode chez toutes les femmes de l’empire, devenant ainsi une tradition familiale qui symbolise la richesse et la distinction. En effet, les femmes aux pieds bandés ne peuvent travailler qu’à des tâches domestiques simples (car c’est physiquement très handicapant pour les femmes), ce que ne peuvent se permettre les familles pauvres. Le statut d’une femme dépend en grande partie de ses talents de brodeuse exercés dans la fabrication de minuscules souliers et de jambières qu’elle coud pour sa famille et pour elle-même. Les chaussures, finement brodées, témoignent de l’importance donnée à l’esthétique féminine.
L’importance donnée à la petite taille des pieds et l’opportunité de marier leurs filles à des familles plus fortunées répandit la coutume et, à la fin de la dynastie Qing, on pouvait voir des femmes aux pieds bandés dans toutes les classes sociales de la société Han, à l’exception des plus misérables et du groupe des Hakka, chez qui les femmes assumaient une partie des travaux dévolus aux hommes dans les autres ethnies.
Les femmes mandchoues et mongoles, elles, ne pratiquaient pas le bandage des pieds (alors qu’elles occupaient le sommet de la hiérarchie sociale sous la dynastie mandchoue des Qing) et surprenaient aussi bien les Chinois Han que les occidentaux de passage par leur vie beaucoup plus active et leurs capacités équestres. Elles prirent en revanche l’habitude de confectionner des chaussons destinés à leur donner la démarche chaloupée des femmes aux pieds bandés.
Quelques empereurs, dont l’impératrice Cixi, tentèrent sans succès de bannir la pratique. En 1664, l’empereur Kangxi punit sévèrement cette pratique, qui persiste toutefois. D’autres tentatives ont lieu, notamment au XIX. Puis, en 1912, après la chute de la dynastie Qing, le gouvernement de la République de Chine interdit le bandage des pieds et força les femmes à ôter leurs bandelettes, ce qui s’avéra presque aussi douloureux et traumatisant à l’égard des tabous dont les pieds nus faisaient l’objet. La pratique se poursuivit dans la clandestinité, parallèlement à l’émergence de sociétés progressistes dont les membres s’engageaient à ne pas bander les pieds de leurs filles et à ne pas marier leurs fils à des femmes aux pieds bandés. L’interdiction fut réellement effective après 1949, sous la République populaire de Chine.
Les pieds bandés, un symbole de l’oppression masculine ?
D’après la légende, c’est l’empereur Xuanzong qui aurait demandé à sa concubine de se bander les pieds pour exécuter avec plus de grâce la danse du lotus et ainsi accroitre son désir. A partir de cet instant, les pieds bandés sont devenus un symbole de féminité, de richesse et de distinction. L’importance donnée aux petits pieds (7,5 centimètres étant considéré la taille idéale, ndlr) était telle que les mères pratiquaient elles-mêmes cette torture sur leurs filles, espérant ainsi les marier à des hommes fortunés. Ainsi, la place des femmes dans la société chinoise s’est mise à dépendre de la taille de leurs pieds.
Pour le docteur Amanda Foreman, cette coutume n’est pas seulement révélatrice d’un standard de beauté de l’époque. Selon elle, les pieds bandés étaient également le symbole du contrôle des hommes sur les femmes : « Les chaussures de lotus (que portaient les femmes aux pieds bandés, ndlr) symbolisaient l’économie domestique dans laquelle les Chinoises étaient confinées. Cela est aussi révélateur d’une affreuse vérité concernant la beauté et la mode. Alors que pour certaines cela était un outil de libération, pour les autres c’était un instrument de l’oppression masculine. A ceux qui soutiennent que les pieds bandés sont la forme ultime de l’expression féminine, je réponds que c’est la forme ultime du contrôle de la femme et d’une idéologie très dure ».
Pour rappel, la technique des pieds bandés était pratiquée très tôt chez les petites filles, soit dès 5 ans. Les orteils – à l’exception du gros – étaient pliés puis bandés contre la voute plantaire pour donner au pied la forme d’un bouton de lotus. Bien souvent, les orteils étaient fracturés volontairement ou accidentellement, ce qui générait des nécroses et des lésions. Si les bandelettes étaient changées souvent et les pieds trempés dans des solutions antiseptiques, les septicémies étaient courantes et on estime à 10% le taux de mortalité. Le but étant de faire entrer les pieds des fillettes dans des chaussures toujours plus petites et pointues au fil des semaines, ceux-ci finissaient par littéralement se casser en deux.
Le bandage commençait à l’âge de cinq ou six ans, parfois plus tôt, et nécessitait environ deux ans pour atteindre la taille jugée idéale de 7,5 centimètres, ou lotus d’or. Après avoir baigné les pieds dans de l’eau chaude ou du sang animal mélangés à des herbes médicinales, les orteils, à l’exception du gros orteil, étaient pliés contre la plante du pied, et la voûte plantaire, courbée, pour réduire sa longueur et donner au pied la forme d’un bouton de lotus. Le pied était ensuite placé dans une chaussure pointue, de plus en plus petite au fil des semaines. Les fractures, volontaires ou accidentelles, étaient fréquentes, en particulier si le bandage commençait à un âge tardif. Les bandes devaient être quotidiennement changées, ainsi que les pieds lavés dans des solutions antiseptiques. Malgré cela, le taux de mortalité des suites de septicémie est estimé à 10 %.
Il existait un second procédé, demandant des compressions encore plus fortes, qui entraînait de nombreuses lésions de l’articulation tarsienne et impliquait un déplacement du calcanéum, qui passait sa position naturelle horizontale à une position verticale. Dans les deux cas, des plaques métalliques étaient quelquefois ajoutées sous la plante du pied ainsi bandé.
Comment faisaient-on pour bander les pieds des femmes chinoises?
Le bandage commençait à l’âge de cinq ou six ans, parfois plus tôt, et nécessitait environ deux ans pour atteindre la taille jugée idéale de 7,5 centimètres, ou lotus d’or. Après avoir baigné les pieds dans de l’eau chaude ou du sang animal mélangés à des herbes médicinales, les orteils, à l’exception du gros orteil, étaient pliés contre la plante du pied, et la voûte plantaire, courbée, pour réduire sa longueur et donner au pied la forme d’un bouton de lotus. Le pied était ensuite placé dans une chaussure pointue, de plus en plus petite au fil des semaines. Les fractures, volontaires ou accidentelles, étaient fréquentes, en particulier si le bandage commençait à un âge tardif. Les bandes devaient être quotidiennement changées, ainsi que les pieds lavés dans des solutions antiseptiques. Malgré cela, le taux de mortalité des suites de septicémie est estimé à 10 %2.
Les orteils, privés d’une grande partie de l’irrigation nécessaire, se nécrosaient rapidement. Les voir tomber n’était pas une mauvaise nouvelle, car cela permettait d’obtenir un pied encore plus petit. De manière générale, la circulation sanguine était largement perturbée et rendait les pieds particulièrement douloureux en hiver. En été, le profond pli qui apparaissait entre le talon et la plante du pied était le siège de multiples infections.